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Rencontre culinaire avec Ismail Guerre-Genton

Il y a près d’un an, Ines et Ismail ouvraient leur restaurant « néo-gastronomique », l’Empreinte, avenue de L’Hippodrome à Lambersart où ils connaissent un beau succès.

Rencontre avec Ismail et sa cuisine faite avec émotion et talent.

Tu dis que ta cuisine est guidée par la nature et le végétal. Qu’est ce qui t’a mené à une telle cuisine? Quelles sont tes inspirations?

C’est une expérience professionnelle chez Michel Bras où j’ai fait une saison en stage puis la saison suivante j’ai été embauché. Dans sa cuisine, le lien est fort entre la cuisine et la nature. Il optimise les saveurs et utilise beaucoup de plantes, herbes sauvages et racines.

Tous les matins nous étions deux de la cuisine à aller faire la cueillette. On ne nous disait pas où il fallait aller, c’était à nous de découvrir de nouveaux coins. Il fallait sortir et ouvrir les yeux.

Michel Bras a également un jardin dans lequel on retrouve environ 300 espèces végétales, fruits, légumes, fleurs… Il a son jardinier attitré avec qui j’ai travaillé et appris beaucoup de choses.

L’expérience suivante était dans le même esprit. C’était un restaurant dans la montagne à Megève. On faisait la cueillette de champignons, de sureau, de reines des prés,…

En ville est-ce plus compliqué de faire une telle cuisine?

J’ai fait de belles rencontres grâce à Florent Ladeyn qui m’a fait rencontrer ses producteurs. J’ai rencontré des maraîchers passionnés qui travaillent dans le respect de la nature, en permaculture et agriculture biologique. Ils laissent la plante vivre. J’ai fait des découvertes grâce à eux. Une même plante peut avoir une forme différente et avec une force différente.

Les producteurs me proposent leurs produits du moment. J’ai donc un produit optimal et de qualité. Ça pousse à la créativité et je sublime le produit par un travail technique.

C’est comme un morceau de musique, ce n’est jamais la même mélodie en fonction du produit que l’on me fournit.

Sur le site internet du restaurant on trouve une rubrique « Collaborateurs ». Est-ce important pour toi que les clients puissent avoir ce genre d’informations, qu’ils sachent d’où viennent les produits mais également les éléments de décoration?

Oui, c’est important car on se soutient. On essaie de travailler au maximum avec des personnes passionnées.

Comme on aime le dire, on essaie pas de faire bien, on essaie de faire toujours mieux.

Chaque personne qui nous a aidé a laissé son empreinte et c’est grâce à eux qu’on laisse une empreinte dans l’esprit des gens.

On veut mettre en avant le travail de ces personnes dont nous sommes fières.

 

Tu m’as parlé des maraîchers qui te fournissent les végétaux. D’où viennent les autres produits que tu utilises?

Pour le poisson, je vais chez Métro et Martin Marée car je peux le choisir et ça me donne aussi de l’inspiration et des idées.

Pour la viande, je me fournis à la boucherie Lesage.

Avec les fournisseurs, c’est important de faire passer un message et qu’ils connaissent nos attentes. Je n’hésite pas à retourner un produit si il est de qualité moyenne.

Pour le reste, je m’adapte à ce que les maraîchers m’apportent et je fais en sorte d’avoir le moins de perte possible.

Justement on parle de plus en plus du zéro déchet en cuisine. Tu y portes une attention particulière?

Oui, on utilise tout et on exploite le produit de A à Z. On a très peu de pertes. On utilise plein de techniques de transformation: fermentation, jus, poudre, vinaigre…

Ma cuisine s’exprime vraiment dans les menus à 5 et 7 services tandis que les menus à 3 services permettent parfois de passer des portions restantes du midi.

Je n’ai pas beaucoup de place de stockage et les produits que je reçois sont au maximum de leur fraîcheur. J’ai des beaux produits que je veux mettre en avant et non pas les camoufler car ils ont passés plusieurs jours au réfrigérateur et ont perdu leur qualité.

On parle de l’importance de consommer local. L’importance du respect des saisons est aussi indispensable n’est-ce pas?

Oui, c’est très important. Je n’ai pas besoin de faire attention car ce sont les fournisseurs qui rythment les saisons.

De nos jours, les saisons c’est compliqué. D’une semaine à l’autre nous n’avons pas le même produit en fonction du temps qu’il fait.

A quoi penses-tu en premier quand tu crées un plat?

A plein de choses: le visuel, la couleur, le goût, l’humeur du moment. Si je ressens de la joie, je vais faire des choses avec du pep’s, si je suis mélancolique ce sera plus rond. Inconsciemment ça joue beaucoup sur le plat.

Généralement mes assiettes tournent autour de 3 matières, 3 aliments. On retrouve souvent le chiffre 3: les 3 matières qui composent le restaurant (acier, bois et cuivre), les 3 branches du trident dans le logo…. Dans les plats, il y a souvent 3 orientations (acide, amer, sucré,…) et 3 textures.

Fais-tu attention aux tendances culinaires?

Je regarde ce qui se fait à côté mais je fais surtout attention à mes envies. J’essaie d’être dans ma cuisine. La cuisine c’est comme une émotion, ce n’est pas figé, ça évolue. Quand je vois quelque chose, ça va jouer sur mes émotions et c’est ce qui est important plus que la tendance.

      

As-tu l’impression qu’il y a une demande plus importante en plats végétariens depuis quelques années?

Oui de plus en plus. Il faut être capable de s’adapter à la clientèle. Ce n’est pas difficile pour moi car j’ai déjà une cuisine végétale avec beaucoup d’herbes et de plantes. Il m’arrive parfois de mettre à la carte des plats 100% végétariens.

On s’adapte au maximum au sans lactose ou sans gluten. Il y a de plus en plus de gens qui sont allergiques.

Je pense que ces évolutions sont dues à deux choses: le gluten sur-consommé dans les plats préparés qui a favorisé les intolérances et l’effet de mode.

Ça me fait toujours un peu pester sur le moment quand il faut modifier des plats car le but du restaurant est que le client se laisse guider et que l’on puisse le surprendre.

Est-ce le rôle des chefs de parler nutrition, santé et environnement?

Il est important de travailler à notre échelle sur ce que l’on sait faire mais on est pas assez calés. On est pas là pour donner des leçons, chacun vit sa vie.

Les gens font de plus en plus attention, c’est peut être un effet de mode.

Si nos plats plaisent aux clients, c’est à nous d’essayer de leur transmettre que ce n’est pas dur de bien manger. On peut sensibiliser les clients et les amener à consommer mieux car ils ont vu chez nous que c’était de qualité et bon pour leur bien être.

Comme je dis souvent, avant de faire des reproches, sois irréprochable. Les chefs doivent d’abord faire attention pour eux puis servir de messager.

L’industrie est aussi très puissante, l’argent est important. L’argent influe sur nos industries et la manière dont elles travaillent.  Je signe les pétitions. Ça fait partie de mon devoir.

Est-ce que tu fais attention à ton alimentation en dehors du restaurant?

Au restaurant, on mange varié. Même si ce n’est pas toujours comme on aimerait, on fait des efforts. On se fait aussi plaisir comme le dimanche soir où on commande des pizzas.

Le week-end, je ne cuisine pas trop. C’est souvent Ines qui cuisine ou bien on mange à l’extérieur.

Quelles sont vos adresses préférées quand vous sortez?

On aime bien aller à côté, chez Laurent Cauchy au Colysée. C’est très sympa et on y mange bien. On va aussi au Marcq et au Vagabond.

On aime aussi beaucoup aller chez Florent. On le retrouve dans sa cuisine. On adore le Vermont à la campagne. C’est cohérent avec le reste de son travail, c’est un aboutissement. Il y a un équilibre assez beau. Il a réussi à démocratiser la bière. Sa cuisine est brute et se marie bien avec la bière. On y découvre beaucoup de subtilité.

Les recettes d’Ismail:

Nous avons eu la chance de goûter trois plats: une entrée et un plat qui étaient à la carte cette semaine là et un dessert qui venait d’être créé et qui allait être servi pour la première fois le soir même.

  • Entrée: Homard / Tomates

C’est un homard rôti à l’huile accompagné d’un financier à la tomate et à la chaire de homard. On retrouve une émulsion gélifiée de jus au homard, de la poudre de pain séché, de la poudre de tomates. Il y a également une poudre de corail et un vinaigre de corail.

Pour rester dans les tons rouges et pourpres, un bouquet d’herbes vient recouvrir le tout: oxalis pourpre, fleur d’oxalis, amarante, fleur de cosmo.

Le dernier élément est une tuile de tomate faite notamment avec la peau de la tomate pour rester dans l’esprit du zéro déchet.

Cette entrée est entièrement sans lactose.

  • Plat: Saint Pierre / Aubergine / Vanille

Le Saint Pierre est poché et poêlé dans un beurre clarifié à la vanille.

L’aubergine, préalablement cuite sous vide, est snackée. On la retrouve également sous forme de purée et d’émulsion d’aubergine brûlée.

Une meringue à la vanille vient se poser délicatement sur le tout et des petites fleurs blanches finissent l’assiette.

C’est un plat un peu sucré-salé, plein de saveur et d’élégance.

  • Dessert: Abricot / Amande / Basilic 

Pour ce dessert, on a un biscuit de Savoie réduit en poudre et mélangé à de la meringue, ce qui fait un biscuit qui ressemble a une roche.

On retrouve de l’abricot avec de l’amande fraîche, un gel d’amaretto, de l’eau d’abricot.

Le basilic est sous le forme d’un sorbet et d’un siphon.

Des fleurs de tagète citron apporte de l’acidité en plus, ainsi que les pistils qui sont concentrés en parfum.

Merci à Ismail et Ines pour leur accueil et le temps accordé à cette rencontre et merci à Elise pour son beau travail.

L’empreinte

170 avenue de l’Hippodrome

59 130 Lambersart

 

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