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Rencontre culinaire avec Sonia Ezgulian

Aujourd’hui, j’ai eu envie de rencontrer une femme dont j’admire le parcours professionnel et le travail qu’elle fait. C’est aussi une femme engagée contre le gaspillage alimentaire. Il s’agit de Sonia Ezgulian avec qui j’ai eu envie de parler de sa vision de la cuisine et du développement durable en cuisine.

Vous avez écrit un livre de recettes sur les épluchures, un autre sur les déchets et le dernier en date s’appelle “Anti-gaspi”. D’où vous est venue cette attention particulière au gaspillage alimentaire et l’envie d’écrire sur ce sujet?

Petite-fille d’une maraichère arménienne profondément respectueuse de la nature et d’une fermière auvergnate, reine de la cuisine ménagère simple et économe, je bénéficie d’un patrimoine génétique qui me prédispose à une philosophie du recyclage poussé à l’extrême.

Depuis toujours, la contrainte m’inspire, me pousse à une ingéniosité culinaire. Je nesuis jamais en panne de détournements, d’audace et de gourmandise pour imaginer des ricochets de cuisine. Pour conjurer la routine du quotidien, je n’ai qu’une seule devise : rendre le plat du lendemain encore plus beau que celui de la veille, surprendre les papilles et faire bouger les idées reçues. C’est pour partager cette philosophie que j’écris sur le sujet de l’anti-gaspi depuis plus de 15 ans.

 Nous avons des origines communes puisque vous avez une grand-mère arménienne. Cette grand-mère était maraîchère. Cuisinait-elle et est-ce elle qui vous a donné l’envie de cuisiner? Vous a-t-elle appris des recettes arméniennes?

J’ai appris la cuisine avec ma grand-mère arménienne Payloun qui s’occupait beaucoup de moi. Elle cuisinait toujours pour de grandes tablées. A quatre ans, je pliais les mantis et je trempais mon petit doigt dans le lait chaud pour sonder la température du lait pour faire le madzoun. Grâce à ma grand mère, j’ai appris à cuisiner instinctivement, très libre de toutes contraintes.

Est-ce également cette grand-mère proche de la nature et des végétaux qui vous a donné envie de faire attention au gaspillage alimentaire? Etait-ce déjà une préoccupation pour elle?

Oui très naturellement, ma grand-mère était une militante écologiste avant l’heure. C’est une question de respect. Quand on pense au travail nécessaire pour faire pousser les légumes, élever les animaux etc, on ne gaspille plus rien. Et elle m’a transmis ces valeurs.

 De 1999 à 2006 vous avez tenu votre restaurant et j’ai lu que vous y cuisiniez notamment des trognons de pommes. Quelle a été la réaction des clients?

Ce fut très difficile et compliqué car nous étions trop précurseurs, nos clients ne comprenaient pas pourquoi ils devaient payer pour manger des épluchures. Aujourd’hui c’est presque le comble du raffinement ! Je ne me suis pas découragée, les plats avec les épluchures étaient ceux qui étaient le plus joliment présentés, cela passait mieux !

 Avez-vous l’impression que les cuisiniers font davantage attention au gaspillage et au développement durable?

Oui résolument, les cuisiniers, les vrais, s’intéressent à ce qu’ils achètent, la provenance, le travail du producteur et ensuite ils réfléchissent à la plus éthique façon de travailler le produit. C’est aussi un excellent exercice de créativité.

Pensez-vous que c’est le rôle des cuisiniers de parler santé et protection de l’environnement?

Oui c’est une autre façon de prendre conscience des enjeux.

Avez-vous quelques conseils à donner aux lecteurs pour lutter contre le gaspillage alimentaire chez eux?

De commencer par de petites choses et de les adopter définitivement. On ne peut pas tout changer d’un seul coup, c’est décourageant. Alors au début, on rentre du marché, on garde les tiges des bouquets de persil et de coriandre pour faire des bouillons, les fanes de radis pour faire un pesto, etc.

Pouvez-vous nous dévoiler votre recette préférée avec des épluchures ou des déchets?

J’ai une tendresse particulière pour le trognon de pommes car c’est le premier déchet que j’ai proposé dans mon restaurant, dans mes livres etc. Sous forme de pâté trognon, une sorte de pâté de viande enrobé de pate et aussi sous forme de gelée. J’aime beaucoup les amandes des noyaux d’abricots pour faire des amaretti et la peau d’aubergines que je coupe en filaments et que je fais griller. On dirait des algues, c’est délicieux avec des pâtes ou du poisson grillé.

Vous avez été journaliste pour Paris Match, chef de votre propre restaurant et à présent auteur culinaire et consultante, quels sont vos prochains projets et vos envies pour le futur?

J’aimerais créer une ligne de produits, des aide-culinaires astucieux. Ce n’est pas simple car je suis souvent très occupée (je dirige Bocuse Magazine, j’ai deux livres en chantier et de nombreuses collaborations en tant que consultante). Un jour, …

Un grand merci à Sonia Ezgulian pour sa disponibilité et le temps passé à répondre à mes questions.

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